Rencontre avec Marianne Pannetier, Directrice de l'EHPAD du Bois-Doucet, ARPAV
Il y aura un avant et un après la crise sanitaire du Covid 19 pour les EHPAD. La crise qui a touché plus sévèrement les populations âgées, a provoqué un véritable séisme dans les institutions telles les EHPAD. Cette crise a été une souffrance pour les résidents, pour les familles et pour les soignants.
Les décisions à prendre pour protéger les résidents de la maladie et préserver la santé des équipes soignantes, ont pu être mal perçues, mal comprises, mal suivies, dû à la sévérité de la situation.
En 2020, les trois quarts des Ehpad ont eu au moins un résident atteint et un établissement sur cinq a connu un épisode dit « critique ». La campagne de vaccination ayant débuté dans les Ehpad en toute fin d'année 2020, progressivement, les contaminations baissent. On dénombre moins de 100 nouveaux épisodes par semaine depuis début mai 2021.
Rencontre avec Marianne Pannetier, Directrice de l'EHPAD du Bois-Doucet, ARPAVIE
À quel moment vous êtes-vous rendu compte que cette crise sanitaire allait être différente des précédentes que vous auriez pu connaître ?
Nous n’avons jamais connu d'autres crises que celle-là dans les EHPAD. Nous, les directeurs, nous avons compris que ça allait être très compliqué dès le départ parce qu'on n'avait pas d'échéance. La problématique de cette épidémie, contrairement à une grippe ou une autre épidémie d'infections respiratoires qui durent 15 jours-3 semaines, là nous n’avions pas de date de fin. Ce ne sont pas les mesures gouvernementales qui nous ont inquiétés mais plus de se dire combien de temps il allait falloir tenir avec cette crise.
Quelles ont été vos relations avec les acteurs institutionnels, notamment l'ARS ou les collectivités territoriales ?
On a eu la chance que l'ARS et le département aient été d'un grand soutien, puisqu'ils ont déployé très vite des moyens qui ont pu répondre à toutes les problématiques qu'on pouvait rencontrer. Des problématiques de gestion de la crise ou des problématiques humaines. On a reçu des appels très bienveillants des autorités qui étaient là pour nous aider et nous accompagner. Quelles que soient les situations qu'on pouvait rencontrer sur les établissements et sans jugement ou a priori sur les établissements.
Au niveau local, nous avons de très bons rapports avec la commune, avec le CCAS et puis le maire de la commune. Il y a eu beaucoup de solidarité pendant la crise sanitaire et beaucoup d'attention, portée en tout cas à l'accompagnement des personnes âgées.
Comment l'annonce du confinement en chambre d'abord, puis le maintien sur le long terme de ces mesures ont été vécues à la fois par les résidents et par leurs proches ?
Pour les résidents, ça a été subi. Ils n'ont pas eu le choix. Il a fallu travailler en équipe sur la façon de rassurer, parce que la difficulté quand les résidents ont été confinés était qu'il n'y avait plus de visibilité pour les proches sur ce qui se passait dans l'EHPAD.
Il a fallu rassurer les familles et casser ce cloisonnement entre l'extérieur et l'EHPAD. On a mis en place des Skype entre les résidents et leur famille, des cellules d'accompagnement téléphonique pour qu'ils puissent avoir leur proche au téléphone. On a transmis un maximum d'informations sur la vie de l'établissement par mail aux familles.
La communication avec les familles était primordiale. La disponibilité de la direction pour tout questionnement de famille était très importante aussi.
J'ai retravaillé l'organisation des équipes pour que les équipes soient au plus près des résidents dans leur chambre. Comme toutes les activités collectives étaient annulées, on a recentré tous nos accompagnements sur de l'accompagnement individuel.
On a également eu tout un travail, un questionnement en équipe pour repenser notre métier afin que les résidents se sentent le moins isolés possible.
Quelles sont les activités individuelles que vous avez pu proposer ?
C'est passé de la simple rencontre avec des visites en chambre à des activités sportives, de la stimulation cognitive avec des tablettes ou d’autres outils...
Les accompagnements individuels ne se limitent pas à la chambre. On avait mis en place dans l'établissement des sorties, puisqu’on a la chance d'avoir un beau jardin. Les accompagnements individuels, étaient aussi décidés en fonction de la demande de chaque résident et en fonction des métiers représentés dans l'EHPAD.
Avez-vous utilisé de nouveaux outils ?
On a surtout proposé de nouvelles activités à partir de l'existant, avec les moyens développés. Et on a le numérique qui s'est développé. On a eu des dons de tablettes par la Fondation de France et des entreprises locales qui nous ont permis de faire beaucoup plus de visio avec les familles et d'accompagnement de stimulation cognitive.
Comment vos équipes ont-elles réussi à traverser la crise ?
Il y a eu un sentiment de peur. Les professionnels avaient peur de ramener le virus dans leurs familles. Il y a eu aussi la peur que l’équipe soit touchée et d'être en sous-effectif. Il y a eu aussi un sentiment d'impuissance. Il y a toujours ce sentiment de se dire est-ce qu’on fait bien notre travail ?
Le point positif, c'est qu'il y a eu beaucoup de solidarité entre les équipes. Elles se sont vraiment serrées les coudes et se sont motivées entre elles pour pouvoir avancer. C'est cette solidarité qui nous a permis de nous organiser très rapidement.
Comment est-ce que la crise a affecté le travail des salarié.e.s ?
J'ai beaucoup de salariées: les psychomotriciens, les ergothérapeutes, qui ont fonctionné ainsi : elles ont décalé leurs horaires de travail pour être présentes sur les temps forts des résidents, sur les temps où ils avaient besoin.
Ils arrivaient plus tard le matin pour accompagner plusieurs résidents en chambre surtout lors de la prise des repas, pour éviter la perte d’appétit. Le soir pareil au lieu de terminer leur poste à 18h, ils partaient de l'établissement à 19h30.
Faire partie d'Arpavie a-t-il été un atout ?
Avoir Arpavie derrière nous nous a permis d'avoir une direction médicale qui analysait aussi toutes les mesures gouvernementales et qui nous aidait à rédiger les protocoles et les procédures à suivre.
Ça a été aussi bénéfique quand les prix se sont envolés pour les masques et les autres produits d'équipements individuels. On a pu commander en groupe avec plusieurs EHPAD pour limiter les coûts d'achat de protection individuelle pour les soignants. Le fait d'appartenir à un groupe a été très bénéfique, même pour le soutien moral des professionnels. On a été bien accompagnés, on ne s'est pas senti seul.